Estampes
Catalogue raisonné des estampes
Le récolement des estampes de l’artiste est basé sur les travaux de Laure Vallette, dans le cadre de son mémoire de maîtrise d’histoire de l’Art rédigé en 2005, sous la direction de Monsieur le Pr. Emmanuel Pernoud à l’Université de Picardie Jules Verne, à partir des archives réunies par Christine Manessier.
Un travail de mise à jour, de photographie et de numérisation des œuvres a été effectué par Gabrièle Schiffer et Jeanne Manessier, avec le concours de Jean-Baptiste Manessier, d’Odile Locquin, de Jean-François Locquin et de Baptiste Durand.
La présente version mise en ligne des travaux de Laure Valette a été revue, corrigée et augmentée par Christine Manessier, selon l’état actuel de nos connaissances qui pourront encore évoluer dans le temps.
Si vous disposez d’informations complémentaires à propos d’une estampe d’Alfred Manessier ou si vous souhaitez signaler un manque ou une erreur, nous vous remercions de bien vouloir nous écrire à l’adresse suivante : archives.manessier@gmail.com
L’Œuvre gravé d’Alfred Manessier
Parallèlement à la peinture, Manessier s’est exprimé par une centaine d’estampes originales et une dizaine de livres illustrés. L’artiste a le plus souvent privilégié la technique de la lithographie, sans doute pour répondre au mieux à ses aptitudes et aspirations de coloriste.
« Il faut remonter quarante ans en arrière pour trouver trace de mon premier essai lithographique. Tout au début, je ne me risquais qu’en noir et blanc. Mais très vite, l’année suivante, ayant acquis une certaine maîtrise de la technique, un album composé de sept lithographies en couleurs sur le thème de Pâques était présenté, en avril 1949, dans le cadre d’une première exposition personnelle chez Jeanne Bucher à Paris.
En 1978, il m’a été donné de reprendre et de développer – comme en écho – ce même thème de la Passion et de la Résurrection du Christ, dans une série de quinze lithographies préparées sur plaques de zinc et non plus, hélas, sur pierres comme la majorité de mes tirages.
Tout de suite, j’ai senti en abordant la lithographie, qu’il ne s’agissait pas pour moi d’un simple moyen de reproduction d’une œuvre déjà existante, mais d’un moyen d’expression en soi, aux exigences et ressources propres.
Par ailleurs, ce moyen d’expression offrait l’avantage, par la multiplication d’une même image à tirage cependant limité, de pouvoir atteindre et peut-être toucher un plus vaste public.
La lithographie m’a donc permis de « populariser » ou de « démocratiser » certains thèmes majeurs abordés dans ma peinture, sur lesquels j’ai voulu particulièrement insister.
Et curieusement, peut-on constater, en jetant un coup d’œil rétrospectif sur l’ensemble des lithographies qui m’ont été demandées de faire, que celles-ci tracent comme un résumé ponctuel et essentiel de mon œuvre peint.
Ainsi retrouve-t-on présents – à travers ce choix d’estampes – les trois axes qui soutiennent l’ensemble de mon travail : mon amour de la nature, de ses paysages et de ses lumières ; l’affirmation de ma foi chrétienne et ma sensibilité face aux événements tragiques du monde.
Changer de discipline repose et aide à se renouveler : c’est comme si la respiration se passait autrement. La lithographie, certes, n’est pas le même monde, matériellement, que les vitraux, la tapisserie ou la peinture, mais ce que je tente d’exprimer – par la médiation des pierres, des encres et du papier – porte la marque d’un même esprit.
Dans le travail de préparation de mes estampes, je me sens lithographe des pieds à la tête. Au moment des corrections et du tirage – abandonnant le travail solitaire et silencieux de l’atelier – je suis heureux de partager pendant quelques moments la vie des artisans lithographes dans l’exercice d’un travail collectif. Je sens combien il est excellent pour moi de me retrouver de temps en temps au milieu d’un atelier comme celui, par exemple, de Mourlot à Montparnasse, où m’attend depuis des années la complicité bienveillante du chromiste Henry Deschamps.
En lithographie, l’élément le plus important est la discipline imposée par le procédé technique : la nécessité de jouer sur un registre de couleurs parfois très limité. Il faut tirer parti des quatre ou cinq couleurs imposées par le métier lui-même – couleurs que l’on doit accorder au maximum, que l’on doit superposer avec plus ou moins de transparence, suivant l’ordre des passages. Savoir enrichir tel rouge afin de le faire apparaître. Calmer tel bleu ou exalter tel autre. Refroidir ou réchauffer les noirs qui doivent être considérés comme des couleurs. Jusqu’au bout, il est possible de modifier les encrages, donc la qualité.
Une conduite ouvrière modeste est nécessaire. Elle vous met devant des problèmes précis qu’il faut résoudre immédiatement. Elle guide et cerne la volonté jusqu’à la création finale. »
Clamart, le 3 octobre 1988
Extrait du catalogue édité pour accompagner la rétrospective de l’œuvre gravé d’Alfred Manessier – MANESSIER, LE REGARD, LA COULEUR, LA PIERRE, 40 ANS DE LITHOGRAPHIE – organisée à l’étranger par l’Association française d’Action Artistique – Ministère des Affaires étrangères, du 21 février 1989 au 15 juillet 1991.